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Contrats et Marché
Contrats et Marché
16 décembre 2011

Rupture contractuelle abusive: l'affaire Pixmania

Dans un jugement  du 13 septembre 2011, le Tribunal de commerce de Paris a statué sur une résiliation contractuelle entre une plate-forme de vente en ligne et un fournisseur. Le Tribunal a considéré que la résiliation était abusive car elle était uniquement motivée par un taux de satisfaction insuffisant des consommateurs à l’égard du fournisseur.

En l'espèce, la société Pixmania exploite un site internet et a essentiellement pour activité la vente en ligne de produits technologiques. Cette exploitation se compose d’une part, d’une activité de vente directe à l’internaute, Pixmania agissant en qualité de distributeur ; d’autre part d’une activité de vente via une place de marché dénommée PixPlace - plateforme de distribution pour les fournisseurs-, Pixmania agissant alors en tant que mandataire.


La société Pixmania et Dimitech sont entrées en relations commerciales en 2009. Dimitech a mis en ligne son catalogue de produits sur la place de marché de Pixmania. Un contrat d'adhésion a été conclu en septembre 2010 afin de formaliser les relations commerciales entre les deux sociétés. Ce contrat stipulait, notamment, que le gestionnaire de la plateforme de distribution pouvait « à tout moment sur simple notification adressée au (fournisseur) par courrier électronique ou sur son Espace exclure immédiatement le Vendeur de la Plateforme sans indemnité en cas de manquement grave et non réparable du Vendeur à ses obligations (…) et (…)notamment en cas d’évaluations positives inférieures à 90 % ».


Or, en décembre 2010, Pixmania a interrompu sans préavis le lien permettant l'accès des internautes aux produits Dimitech, privant ainsi Dimitech de son chiffre d'affaire réalisé via la plateforme. Dimitech intente une action afin d’obtenir réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi du fait de l’attitude de Pixmania. En juin 2011, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l’encontre de Dimitech.

La question qui est soulevée ici est donc la suivante: le taux de satisfaction insuffisant des internautes peut-il être considéré comme un manquement justifiant la résiliation d'un contrat d'adhésion à une plateforme de vente en ligne?

Dans sa décision du 13 septembre 2011, le Tribunal de commerce de Paris a considéré que « si un taux de satisfaction peut être éventuellement considéré comme un manquement grave, c’est abusivement que Pixmania le qualifie de manquement grave non réparable ».

Ainsi, un taux de satisfaction insuffisant des internautes ne peut pas être considéré comme un manquement non réparable justifiant, à lui seul, la résiliation d’un contrat d’adhésion à une plateforme de vente. 


Le Tribunal précise d'abord les conditions de validité d'une clause de résiliation, prenant en compte les conditions particulières du taux de satisfaction des internautes. Le mode de calcul du taux de satisfaction doit être défini dans le contrat, et la formule de calcul doit y être indiquée. Les avis des internautes doivent être recueillis dans des conditions déterminées.


Concernant la résiliation du contrat d'adhésion, un constat d'huissier datant du mois d'avril 2011 témoigne de l'insatisfaction des internautes à l'égard du fournisseur. Le Tribunal rejette néanmoins ce constat au vu de son caractère tardif, celui-ci ayant été établi plus de 4 mois après la rupture. De ce fait, le Tribunal fixe des recommandations relatives au constat d'huissier: ce dernier doit préciser les modalités de recueil des évaluations, les mesures de protection et de conservation de ces données, et l'origine géographique des évaluations. Le jugement énonce que le simple fait pour un fournisseur de présenter un taux d’insatisfaction supérieur aux dispositions prévues contractuellement ne constitue pas un manquement non-réparable justifiant la résiliation du contrat. C'est au gestionnaire de la plateforme de vente souhaitant résilier le contrat d’adhésion de demander à son fournisseur de prendre des mesures pour améliorer le taux de satisfaction des internautes à son égard.


En conclusion, les plateformes en ligne doivent se montrer prudentes dans l'élaboration des contrats d'adhésion, plus précisément lorsque ceux-ci mettent en cause une clause de résiliation unilatérale pour insatisfaction des internautes envers un fournisseur donné.

 

T. com. Paris, 13 sept. 2011                               

                                                 

Solenne Pinquier et Charlotte Pascoal

Master 2 Droit des contrats et de la Concurrence

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